Séisme du Chili
samedi 27 février 2010
Brève mise à jour 3 Juin 2011
- Article mis en ligne par SCIENCE le 28 Avril 2011: Vigny, Socquet et al., The 2010 Mw 8.8 Maule Mega-Thrust Earthquake of Central Chile, Monitored by GPS.
SCIENCE DOI: 10.1126/science.1204132.
- Regards sur "Les tremblements de terre d’Haïti (Mw 7 - janvier 2010) et du Chili (Mw 8,8 - février-mars 2010)" (R. Lacassin, Géochronique): PDF
Un puissant séisme a frappé le centre du Chili le 27 février 2010 à 6h34 UTC. Sa magnitude est estimée à M 8.8 par l’USGS. Ce séisme a rompu une portion d’environ 500km de la zone de subduction entre les plaques Nazca et Amérique du sud. Les villes les plus proches sont Chillan, Concepción, Constitución, Talca, toutes situées à 100 km ou moins de l’épicentre. Santiago, capitale du Chili, est à environ 300 km et a également été affectée par le séisme. Un tsunami destructeur a ravagé les côtes chiliennes à proximité de l’épicentre.
English version of this page - Informations plus détaillées et figures complémentaires (Labo de tectonique)
Lire: Preliminary evaluation Tsunami Run-up at Constitución (PDF)
La localisation du séisme (épicentre au niveau de la côte), sa profondeur (hypocentre entre 25 et 40 km) et son mécanisme chevauchant indiquent que la rupture s’est produite sur le plan de subduction entre les plaques Nazca et Amérique du Sud. La plaque Nazca converge à près de 7 cm/an vers la plaque Amérique du Sud avec une direction légèrement oblique à la frontière de plaque. Ce mouvement est absorbé sur une seule faille arrivant en surface en mer au niveau de la fosse chilienne. Le long de cette faille, la plaque Nazca passe sous la plaque Amérique du Sud puis s’enfonce dans le manteau terrestre dans ce que l’on appelle un mouvement de subduction.
Le séisme du 27 février a rompu un segment de plusieurs centaines de kilomètres de long du plan de subduction entre 50 km de profondeur et son émergence en surface au niveau de la fosse océanique. Il s’agit donc d’un séisme de subduction typique, de type «megathrust», comparable à celui du 26 décembre 2004 à Sumatra.
La faille rompue est un chevauchement plongeant faiblement (15 à 20°) vers l’est sous la marge continentale chilienne. Les premières données sismologiques sur la source (voir USGS, UCSB, GéoAzur-Nice), et la répartition des répliques (carte ci-dessous) indiquent que le segment de faille rompu aurait une longueur nord-sud de l’ordre de 500 à 600 km et une largeur de plus de 100 km. Le glissement cosismique sur ce plan, hétérogène, a pu dépasser la dizaine de mètres.
De très nombreuses et fortes répliques ont été enregistrées dans les jours qui ont suivi le choc principal (environ 90 répliques de magnitude supérieure à 5 dans les 24h, les plus fortes atteignant la magnitude 6.9). La zone principale de répliques s’étend vers le nord jusqu’à Valparaiso et dépasse vers le sud la péninsule d'Arauco. L’extension nord-sud de cette zone est d'environ 600 km et correspond au premier ordre à la taille maximum du segment de faille rompu lors du choc de magnitude 8.8. Cette activité sismique va continuer dans les semaines et mois à venir. Bien que l'évolution normale soit une décroissance du nombre et de la taille des répliques au cours du temps, l'occurrence d'évènements de forte magnitude, supérieure à 7, reste possible.
Le séisme du 27 février a généré un tsunami très destructeur sur les côtes chiliennes proches de l’épicentre. Toutes les îles de l’Océan Pacifique et son pourtour ont été mises en alerte pendant 24h, temps nécessaire pour que l’onde de tsunami atteigne le Japon. Les hauteurs de vagues enregistrées loin des côtes chiliennes sont assez faibles (moins d’un mètre) impliquant une ampleur relativement limitée à la source et une rapide atténuation avec la distance. En champ proche, les informations préliminaires recueillies sur la côte chilienne suggèrent des hauteurs de «run-up» de 4 à 5m, plus importantes que celles publiées initialement par les réseaux de surveillance. Parmi les localités les plus touchées: Constitución, à l’embouchure du fleuve Maule, Talcahuano, à proximité de Concepción, Dichato, Iloca, Duao, Pelluhue, et les îles Juan Fernandez.
Ce tremblement de terre a activé la lacune sismique (ou «gap») de Concepción (appelée aussi lacune de Constitución). Le dernier grand séisme ayant rompu ce segment de la subduction chilienne datait du 20 février 1835, il y donc 175 ans. Ce séisme vécu par Charles Darwin, qui en a analysé et décrit les effets dans ses carnets et publications, avait une magnitude autour de 8.5.
A cause de la convergence rapide Nazca-Amérique du Sud , la zone de subduction du Chili a une forte activité sismique avec, en moyenne, un séisme de magnitude 8 tous les dix ans et un tremblement de terre de M>8.7 au moins une fois par siècle. Le plus grand séisme jamais enregistré (depuis que nous disposons de sismographes) de magnitude environ 9.4-9.5, s’est produit au Chili en 1960, juste au sud de Concepción. Deux lacunes sismiques étaient identifiées au Nord et au Centre/sud du Chili et semblaient mures pour une rupture prochaine : la lacune d’Arica au Nord, siège d’un séisme géant en 1877, qui a commencé à rompre en petite partie lors du séisme de Tocopilla en 2007; et précisément la lacune de Concepción, siège du séisme de 1835 vécu par Darwin. Cette lacune était bordée au sud par la rupture géante de 1960 et au nord par les séismes de Valparaiso en 1906 et 1985. Dans cette région, les mesures GPS montrent une accumulation « normale » de la déformation, sans aucun glissement asismique: on dit alors que la subduction est couplée. En 175 ans et à 7 cm/an, c’est au moins 12 m de déformation qui avaient été accumulés sur ce segment de 400km de long. En conséquence, dans un article récent, des chercheurs de l’IPGP, de l’ENS et de l’Université du Chili, avaient évoqué la très forte probabilité d’une rupture imminente, de magnitude entre 8 et 8.5 (Ruegg et al., 2009).
L’épicentre du séisme du 27 février est localisé en plein milieu de la lacune de Concepción. Comme le montrent la répartition des répliques, la rupture c’est propagée à la fois vers le Sud et vers le Nord, de manière à rompre la totalité du segment de 1835, et même au delà vers le Nord, puisqu’elle semble avoir repris, au moins en partie, les segments qui avait rompu en 1906, 1928 et 1985. C’est probablement la reprise de ces segmentts avec la lacune principale qui explique la très forte magnitude de ce séisme. Le fait que l’épicentre soit un peu profond (35-40 km) peut expliquer l'ampleur somme toute modérée du tsunami qui s’en suit : la rupture arrive assez faiblement en surface et le déplacement du fond de l’océan reste modéré. Par contre, cela place l’hypocentre juste sous la côte (plutôt que plus loin au large), ce qui peut avoir engendré des destructions importantes à sa proximité.
Les équipes de sismologie et de tectonique de l’IPGP sont très impliquées dans le laboratoire international associé « Montessus de Ballore » (CNRS/INSU - Universidad de Chile) et effectuent depuis 1996 des mesures géodésiques (GPS), sismologiques et tectonique dans la région. Dans ce cadre, nous allons intervenir en urgence pour remesurer les réseaux géodésiques afin de quantifier précisément la déformation crustale générée par ce séisme. Nous participerons aussi à l’installation de sismographes destinés à localiser précisément les répliques et nous analyserons les déformations côtières (soulèvement, subsidence, déplacement du trait de côte) sur imagerie satellitaire et sur le terrain.
Version haute résolution des cartes ci-dessus :
• Carte des épicentres du choc principal et des répliques.
• Carte des zones de ruptures des séismes de subduction depuis 1835.
En savoir plus :
• Le séisme de Concepcion, Chili, du 27 février 2010 par le CNRS/INSU.
• Le Séisme de Concepcion (PDF - par C.Vigny).
• Séisme de magnitude Mw=8,8 du Chili du 27 Février 2010 et Tsunami trans-Pacifique par le CEA.
Liens Utiles :
• Page GEOSCOPE de description du séisme
• Dossiers scientifiques du CEA
• Page USGS de description du séisme
• Inversion préliminaire des ondes de volume par Géoazur-Nice (Martin Vallée)
• Analyse préliminaire de la source par l'USGS et par l'University of California Santa Barbara
• Page du Laboratoire International Associé Montessus de Ballore.
Page réalisée par Robin Lacassin, Equipe de Tectonique de l'IPGP
LIA "Montessus de Ballore" CNRS/INSU et Université du Chili.
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