Éruption en Islande - avril 2010
----------------------------------------------------- 23 mai 2010 - 10h00 ----------------------------------------------------
Depuis le 23 mai dernier, l'activité volcanique sur l’Eyjafjallajökull semble être en sommeil.
Une quantité importante de vapeur d’eau continue à s’échapper du cratère précédemment actif (nuage blanc). Si une petite explosion cendreuse a été observée le 22 mai par des scientifiques postés en bordure du cratère, aucun panache de cendre n’a été repéré lors d’un vol de reconnaissance ou sur les cameras de surveillance.
IPGP - OPGC
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L'Islande est une île résultant de l'activité d'un point chaud et de la dorsale médio-atlantique. Cette dorsale caractérise l'écartement entre les plaques nord-américaine et eurasienne. Elle forme une gigantesque chaîne de volcans sous-marins sur 15 000 km de long. Les deux plaques s’écartent à raison de 2 cm par an. L'Islande en est la seule partie emmergée en raison du point chaud situé à l'aplomb.
Cette île est presque en totalité composée de roches volcaniques et comporte de nombreux volcans actifs (environ 130) dont un grand nombre sont couverts de glaciers. Le volcan actuellement en éruption est situé sous le glacier Eyjafjallajökull.
Situé à 160 km au sud-est de la capitale de l'Islande, Reykjavík, le volcan Eyjafjöll est entré en éruption le 20 mars 2010. L’Eyjafjöll est un volcan sous-glaciaire, qui culmine à 1666 m d’altitude. Ce stratovolcan âgé de 700.000 ans possède peu d’activité historique : autour de 550, 1612 et 1821-1823. La fin de l’éruption de Eyjafjöll coincide avec le début en 1823, de l’éruption du Katla, qui a été l’éruption la plus violente d’Islande au cours de ces 200 dernières années.
Cette corrélation a mené certains chercheurs à suggérer l’existence d’un couplage entre les deux systèmes magmatiques.
Le Katla est un des volcans les plus actifs d’Islande, avec un réservoir magmatique permanent et une moyenne de 2 éruptions par siècle. Sa dernière éruption majeure a eu lieu en 1918 et deux événements mineurs sub-glaciaux ont eu lieu en 1955 et 1999. Le volcan est couvert par le glacier Myrdalsjökull (1500 m), le quatrième de l’Islande pour sa taille. Le glacier a une surface de 586 km2, un volume de 140 km3, dont 45 km3 situés à l’intérieur de la caldeira sommitale (16x10 km) et un épaisseur maximale de 740 m. La caldeira du Katla est connectée avec une zone de fractures orientée SW-NE. Le magmatisme de ce système est nettement bimodale, basalte – rhyolite et des compositions intermédiaires résultent des mélanges entre ces deux extrêmes.
L’éruption de 2010
Cette éruption se subdivise en deux phases bien distinctes entrecoupées par deux jours d’inactivité le 13 et 14 Avril 2010. En parallèle avec cette coupure dans l’activité, la chimie du magma a été totalement modifiée.
Le 20 Mars 2010, peu avant minuit, l’Eyjafjallajökull entre en éruption de manière excentrée par rapport au sommet de l’édifice. Le point d’émission se situe au niveau du col séparant l’Eyjafjallajökull du volcan voisin le Katla. Les premiers séismes précurseurs de cette éruption ont été enregistrés par le réseau de surveillance islandaise en Avril 2009.
Cette éruption est une éruption fissurale (comme souvent en Islande). La fissure s’étend sur 800 mètres de long. Elle est caractérisée par l’émission de jets de lave s'élevant à plus de 200 mètres de hauteur. Elle présente une activité effusive sous la forme de fontaines et d'épanchements de lave.
Cette première phase émet un magma très primitif, un basalte à olivine (47% de SiO2), dans la partie latérale de l’édifice, entre l’Eyjafjallajökull et le Katla.
La deuxième phase est plus violente et plus explosive. L'Eyjafjöll entre en éruption et émet un important volume de gaz, cendres et scories sous la forme d'un panache volcanique.
L'éruption a fracturé plusieurs centaines de mètres de calottes glaciaire et provoqué une fonte brutale de la glace. Les écoulements d'eau, de boues et de débris dus à cette fonte ont entrainé d'importantes inondations et obligé les autorités à évacuer 800 personnes.
Le fort caractère explosif est dû tout d’abord à l’interaction eau-magma et au violent choc thermique entre de la glace à zéro degrés qui se trouve violemment vaporisée par un magma à plus de 1000°C. Cette énergie contribue de manière importante à fragmenter la roche au niveau du point d’émission produisant des particules très fines qui sont expulsées actuellement jusqu’à 10 km d’altitude.
Du 14 Avril à l’actuel, la deuxième phase émet un magma plus différencié et donc plus explosif, un trachy-andésite (58% de SiO2), dans la partie sommitale de l’édifice.
C’est cette deuxième phase qui est responsable de l’expulsion du panache à presque 10 km d’altitude et qui a eu pour conséquence la très forte perturbation du trafic aérien européen.
Cartographie du nuage de cendres sur l'europe du nord
Encadré méthodologique : comment estimer le débit d’une éruption à partir de la hauteur du panache volcanique ?
Lors d’une éruption basaltique typique, le volcan est émis sous la forme d’une fontaine de lave. Celle-ci résulte de la fragmentation explosive du magma sous l’effet de la décompression des gaz magmatiques. Les gros fragments issus de la fragmentation du magma retombent au sol et s’agglomèrent en une coulée de lave dite « effusive » qui coule le long des pentes du volcans. Les fragments les plus fins au contraire sont entrainés vers le haut par les gaz magmatiques chauds libérés lors de la fragmentation. Il se forme ainsi au sommet de la fontaine de lave un panache thermique gazeux riche en cendres. Comme ce panache est très chaud (environ 1000 degrés), il tend à remonter vers la haute atmosphère par poussée d’Archimède. Mais jusqu’où ?
Pour modéliser l’ascension aerienne d’un panache volcanique, il faut prendre en compte le fait que l’atmosphère terrestre n’a pas une densité homogène : plus l’altitude augmente, plus l’atmophère est ténue, plus sa densité est faible. Ainsi, il y aura toujours une hauteur à laquelle la densité de l’atmosphère sera égale à celle du mélange magmatique (gaz + cendres chauds). À cette hauteur, dite « d’isodensité », la poussée d’Archimède dans le panache volcanique s’annule : le panache s’étale pour former un nuage qui sera ensuite dispersé par les vents d’altitude. Intuitivement, il est logique de penser que plus la chaleur libérée par la fontaine de lave sera grande, en fait plus son débit sera élevé, plus il faudra monter haut pour atteindre l’iso-densité. Il est possible de quantifier cette relation en utilisant la dynamique des fluides.
Pour le physicien, un panache volcanique est un « jet turbulent ». Ce type d’écoulement se caractérise par l’intensité des tourbillons qui l’animent et qui entrainent progressivement l’air ambiant à l’intérieur du jet, ce qui contribue à faire changer sa densité. En prenant en compte l’entrainement turbulent, on peut écrire les équations de conservation de la masse, de la quantité de mouvement et de l’énergie dans le panache. La résolution de ces équations fournit l’évolution de la vitesse, de la taille et de la densité du panache en fonction de la hauteur. On peut alors en déduire la hauteur finale du panache, H, en fonction du débit du panache, F, qui s’écrit
H = β F-1/4 (1)
où b est une constante qui dépend de la structure locale de l’atmosphère au dessus du panache (température, humidité) et de la puissance de la fragmentation (en général environ 10% du magma est pulvérisé sous forme de cendres dans la colonne).
On peut obtenir la valeur de β à partir de modèlisations, par exemple analogiques, ou à partir d’exemples géologiques. Pour le cas des volcans icelandais, on peut utiliser l’exemple de l’éruption du volcan Askja en 1961, qui a produit un panache montant jusqu’à 7,5 km au dessus du volcan pour un débit de 1000 m3/s, ce qui donne β = 0.316 km/(m3/s)-1/4.
L’utilisation de la relation (1) pour le volcan Eyjafjallajökull, en se basant sur les hauteurs de panache données par le VAAC London et en prenant en compte une altitude du volcan d’environ 1,5 km, donne les résultats suivants :
L’Institut des Sciences de la Terre islandais donne une valeur moyenne du débit de 500m3/s en se basant sur l’étude des dépôts autour du volcan, ce qui est compatible avec les estimations données ci-dessus. Toutefois, on note une diminution du débit prédite par la diminution de la hauteur du panache le 18 avril. Ceci pourrait correspondre également à une fragmentation moins efficace en raison d’une moindre interaction avec la glace. Comme souvent en géologie, une seule contrainte n’est pas suffisante pour décrire sans ambiguité le comportement des systèmes naturels. En étudiant la variation du trémor, c’est à dire le grondement sismique émis par le volcan, on n’observe pas de variation de l’activité sur cette période ; c’est donc plutot la seconde hypothèse, celle d’une interaction d’intensité variable avec la glace, qui est la plus probable.
Échantillons provenant du nuage de cendres
Des scientifiques de l'Institut de Physique du Globe de Paris ont tenté de récolter des particules lors du passage du nuage de cendres au dessus de la France (dans la nuit du 15 au 16 Avril 2010) et d'y détecter la présence de verre magmatique provenant de l'éruption en Islande.
Plusieurs moyens ont été employés pour récolter les particules transportées dans l'atmosphère (particules collectées sur le toit de l'université de Jussieu via un collecteur de 0.225 m², sur un filtre pour particules inhalables dans l’enceinte de l'université de Jussieu, sur le toit d'un véhicule et dans un filtre de pompe à chaleur).
Après analyse en MEB (microscopie électronique à balayage), les résultats montrent la présence de verre magmatique en faible quantité. A environ 3000 km, les cendres volcaniques ne sont constituées que d'échardes de verre magmatique.
Malgré le manque d'observation des cendres d'origine, le faible nombre de particules observées et la présence de verre industriel, la quantité de cendres volcaniques au sol (à Paris) provenant du volcan Eyjafjöll est extrêmement faible.
Organisation d'une cellule de veille à l'IPGP depuis le 17 avril 2010
L’Institut de physique du globe de Paris a mis en place une cellule de veille à la demande du MEEDDM (Ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer) et dont l’objectif est d'assurer une astreinte 24h/24 afin de surveiller toute évolution de l'activité volcanique en Islande susceptible d'avoir des conséquences en France. L'Observatoire de Physique du Globe de Clermont-Ferrand ainsi que le Laboratoire de Géophysique Interne et Tectonophysique de Grenoble ont également collaboré à cette cellule de veille.
http://www.developpement-durable.gouv.fr/Eruption-volcanique-en-Islande.html
Sites à consulter
Institute of Earth Sciences - University of Iceland
Laboratoire Magmas et Volcans (LMV) Clermont-Ferrand
Compilation d'images satellite
Photographies de l'eruption par Marco Fulle
Video prise en helico le 19 Avril 2010
Eruption de l'Eyjafjoll - Islande (INSU)
Suivi des emissions de cendres du volcan islandais Eyjafjoll (INSU)
Institut de Physique du Globe de Paris - Mise à jour 11/2024
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