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Séismes (M8.2 et 7.6) du Nord Chili - Avril 2014


Un séisme de magnitude 8.0 (Geoscope-Scardec) à 8.2 (USGS), suivi 24h après par un autre évènement de magnitude 7.6, a frappé le nord du Chili le 1/04/2014 (date locale, le 2/04 en UTC). Ces séismes ont rompu l'interface de subduction entre les plaques Nazca et Amérique du sud sur une longueur de 150 à 200km, et probablement depuis une profondeur d'environ 30km jusqu'à son émergence à la fosse. Cet interface est une faille de type "méga-chevauchement" (ou megathrust) plongeant avec un angle de 10 à 20° sous la marge du continent sud américain. Les ruptures d'Avril 2014 sont donc du même type que celles de Sumatra en 2004 (magnitude 9.1 à 9.3), du centre-sud Chili en 2010 (séisme de Maule, magnitude 8.8), et du Japon en 2011 (magnitude 9). Le segment de subduction qui vient de rompre montrait une forte activité sismique depuis plusieurs mois, avec plusieurs crises formant des "essaims sismiques" (ou "swarms"), la dernière de ces crises s'étant produite mi-mars.

Le nord Chili est une région désertique (désert de l'Atacama) où la population est essentiellement concentrée dans les villes d'Iquique, Antofagasta et Arica. Iquique, faisant face au segment du méga-chevauchement qui a rompu, a été assez sévèrement affectée par les séismes. Un tsunami d'ampleur environ 2m, généré par le séisme de magnitude 8, a touché les côtes nord-chiliennes et provoqué des dégâts importants dans le port d'Iquique.


Nouveau (12 Avril 2014): Rupture imaging from the backprojection of P-waves (preliminary results), by Claudio Satriano


Les séismes de début avril 2014 au Nord Chili dans leur contexte sismotectonique. L'épicentre du choc principal (M8.2) est en rouge. Les ronds orangés localisent le  séisme M7.6 et les répliques au cours des 2 jours après le choc principal (localisations USGS). Les tracés en couleur montrent l'extension des ruptures passées (repris de Bejar et al., 2010). La lacune d'Arica est définie par la zone de rupture du séisme de 1877. L'incertitude sur l'étendue exacte des ruptures du 19ème siècle est assez importante: alors que le séisme de 1877 est en général considéré comme ayant rompu sur plus de 400km (tracé bleu en tirets longs, définissant la lacune d'Arica), certains auteurs proposent une rupture moins étendue (tirets courts, Métois et al., 2013). Les dates des séismes (1, 2 Avril) sont en heure locale (2, 3 Avril en UTC).
Les séismes de début avril 2014 au Nord Chili dans leur contexte sismotectonique. L'épicentre du choc principal (M8.2) est en rouge. Les ronds orangés localisent le séisme M7.6 et les répliques au cours des 2 jours après le choc principal (localisations USGS). Les tracés en couleur montrent l'extension des ruptures passées (repris de Bejar et al., 2010). La lacune d'Arica est définie par la zone de rupture du séisme de 1877. L'incertitude sur l'étendue exacte des ruptures du 19ème siècle est assez importante: alors que le séisme de 1877 est en général considéré comme ayant rompu sur plus de 400km (tracé bleu en tirets longs, définissant la lacune d'Arica), certains auteurs proposent une rupture moins étendue (tirets courts, Métois et al., 2013). Les dates des séismes (1, 2 Avril) sont en heure locale (2, 3 Avril en UTC).

English version of the map : épicentres USGS corrigés et sur 10 jours


Mécanisme et caractéristiques du séisme (solution Geoscope-Scardec)
Mécanisme et caractéristiques du séisme (solution Geoscope-Scardec)

La localisation des séismes et de l'ensemble des répliques, leur profondeur (hypocentre entre ~10 et 40 km) et leurs mécanismes chevauchants indiquent que la rupture s’est produite sur le plan de subduction entre les plaques Nazca et Amérique du Sud. La plaque Nazca converge à près de 7 cm/an vers la plaque Amérique du Sud avec une direction légèrement oblique à la frontière de plaque. L'essentiel de ce mouvement est absorbé sur une seule faille arrivant en surface en mer au niveau de la fosse Pérou-Chili. Le long de cette faille, la plaque Nazca passe sous la plaque Amérique du Sud puis s’enfonce dans le manteau terrestre dans ce que l’on appelle un mouvement de subduction. Une proportion mineure de la convergence entre les plaques (1 cm/an au maximum) est absorbé par le raccourcissement de la plaque sud-américaine produisant les reliefs des Andes et de l'Altiplano.

A cause de la convergence rapide Nazca-Amérique du Sud , la zone de subduction du Chili a une forte activité sismique avec, en moyenne, un séisme de magnitude 8 tous les dix ans et un tremblement de terre de M>8.7 au moins une fois par siècle. Le plus grand séisme jamais enregistré (depuis que nous disposons de sismographes) de magnitude environ 9.5, s’est produit au sud du Chili en 1960.

Depuis plusieurs décennies, deux lacunes sismiques majeures ont été identifiées au Nord et au Centre/sud du Chili et semblaient mures pour une rupture prochaine : la lacune d’Arica au Nord, siège du séisme de magnitude ~8.8 en 1877, et la lacune de Concepción, siège du séisme de 1835 vécu par Darwin et qui a rompu à nouveau en 2010. La lacune d'Arica a commencé à rompre en petite partie, et en profondeur, lors du séisme de Tocopilla en 2007 (M 7.7). Les séismes d'Avril 2014 ont eux aussi rompu une partie de cette lacune d'Arica, cette fois sur environ 150-200km et plus superficiellement. Ces séismes ont contribué à accroitre la charge sur les segments adjacents du megathrust, au nord et au sud de la zone qui vient de glisser. La probabilité de séismes du même type, et de magnitude 8 ou plus, dans les jours, mois ou années à venir, y est donc forte. On ne peut aussi exclure la possibilité d'un séisme "géant" de magnitude 8.5 à 9, rompant tout le segment de subduction entre Arica au nord et la péninsule de Mejillones (située juste au nord de la ville d'Antofagasta) au Sud. Dans tous ces scénarios, le risque de très forts tsunamis est important, y compris sur le pourtour et les îles du Pacifique à distance de la côte Chilienne.


Les équipes françaises, et en particulier celles de l'IPGP, sont très impliquées dans l'étude des séismes de subduction au Chili dans le cadre du Laboratoire Associé Montessus de Ballore (ENS, IPGP, Université du Chili). Une équipe mixte IPGP-ENS est actuellement sur le terrain participant à la re-mesure des points GPS dans une action coordonnée par le département de géophysique de l'Université du Chili. D'autres actions impliquant les équipes de Sismologie et de Tectonique ainsi que Geoscope sont en cours, en collaboration avec d'autres équipes françaises (ENS, ISTERRE Grenoble, etc...) et l'Université du Chili. Les travaux des équipes de l'IPGP sur ce sujet sont supportées par le Labex UnivEarthS, le projet ANR MegaChile (coordonné par l'ENS et l'IPGP), et l'INSU-CNRS.



En savoir plus sur le cycle sismique:

Le mouvement des plaques se produit de manière discontinue sur l'interface de subduction. Sur des périodes de temps dépassant le siècle, la déformation élastique s'accumule quasi-silencieusement. Pendant cette phase l'interface de subduction reste bloqué, et il se produit seulement de petits séismes qui ne relâchent qu'un très faible proportion de la déformation. Cette phase dite "intersismique" se termine brutalement par un ou plusieurs séismes majeurs qui libèrent l'essentiel de la déformation élastique accumulée. Lors de tels séismes, l'interface entre les plaques glisse brutalement de 5 à 10m en moyenne (et même plus pour des séismes de magnitude 9), rattrapant ainsi le déficit de glissement accumulé pendant la période "silencieuse". Ce glissement cosismique se produit rapidement, en quelques minutes. Il génère des ondes sismiques destructives, et cause le soulèvement brusque du fond marin au dessus de la faille induisant le tsunami. Les scientifiques mesurent à terre les déformations accumulées ou libérées pendant les phases inter, co et post-sismiques, en grande partie à l'aide de méthodes satellitaires (GPS, interférométrie radar). Ces mesures permettent de comprendre les détails géométriques et cinématiques de la rupture sismique, de modéliser sa préparation (sans être à même de prédire les séismes majeurs de façon précise) ainsi que l'architecture générale et la dynamique de la subduction.



Quelques articles scientifiques récents sur le Nord Chili :

Bejar-Pizzaro M., Carrizo D., Socquet A., Armijo R. et al. Asperities, barriers and transition zone in the North Chile seismic gap: State of the art after the 2007 Mw 7.7 Tocopilla earthquake inferred by GPS and InSAR data, Geoph. Journ. Int., GJI-S-09- 0648, doi: 10.1111/j.1365-246X.2010.04748.x , 2010.

Béjar-Pizarro, M., A. Socquet, R. Armijo, D. Carrizo, J. Genrich and M. Simons. Andean structural control on interseismic coupling in the North Chile subduction zone. Nature Geoscience, 28 April, [DOI: 10.1038/NGEO1802], 2013.

Metois, M., A. Socquet, C. Vigny, D. Carrizo, S. Peyrat, A. Delorme, E. Maureira, M.-C. Valderas-Bermejo and I. Ortega. Revisiting the North Chile seismic gap segmentation using GPS-derived interseismic coupling. Geophysical Journal International, [doi:10.1093/gji/ggt183], 2013.

Peyrat, S., R. Madariaga, E. Buforn, J. Campos, G. Asch and JP. Vilotte. Kinematic rupture process of the 2007 Tocopilla earthquake and its main aftershocks from teleseismic and strong-motion data. Geophys. J. Int. 182, 1411-1430, 2010.



- Voir les pages GEOSCOPE pour le séisme principal (M8) et le séisme de magnitude 7.6(M8).
- INSU-CNRS : page séisme au Chili et un point plus complet sur les informations scientifiques

- Centro Sismologico Nacional, Universidad de Chile
- Les derniers séismes au Nord Chili localisés par l'USGS.
- LIA Montessus de Ballore
- Labex UnivEarthS
- ANR MegaChile




Contacts : Robin LACASSIN (Tectonique, IPGP) – Jean Pierre VILOTTE (Sismologie, IPGP)



Robin Lacassin, Raphael Grandin - Page mise à jour le 12 Avril 2014


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