La formation d'ondes de gaz explique la périodicité des éruptions des volcans explosifs - Samedi 14 Septembre 2013
Article paru sur l'Institut national des sciences de l'univers CNRS
"Source : Actualites du CNRS-INSU"
Une équipe internationale de chercheurs français (Institut de physique du globe de Paris (CNRS/ Paris Diderot/ Cité Paris Sorbonne) et Laboratoire de géologie de Lyon Terre Planète Environnement (CNRS/ U. Lyon 1/ ENS)), américain et britannique montrent que la périodicité des éruptions de certains volcans de subduction est due à la compétition entre la détente du gaz et contenu dans le magma et la compaction du magma dans les conduits éruptifs. La structure et la morphologie des volcans n'entrant pas en ligne de compte. Cette étude est parue dans la revue Nature Géoscience.
Les volcans actifs au magma riche en silice, typiques des zones de subduction, présentent souvent une activité périodique. A la Soufrière Hills (Montserrat) comme au Mont Pinatubo (Philippines) ou au volcan Sakurajima (Japon) des cycles périodiques de déformation du sol et de sismicité, accompagnés de dégazage et d’activité éruptive, ont été enregistrés. Par exemple, à Montserrat, en 1996-1997, des épisodes récurrents de bombement (inflation) et de déflation de l’édifice avec des périodes de 6 à 30h étaient accompagnés par des essaims sismiques. Le pic du cycle de déformation et de sismicité correspondait à des épisodes éruptifs importants comme des écoulements pyroclastiques, des éruptions vulcaniennes ou des épisodes de croissance rapide du dôme. A Sakurajima, des explosions vulcaniennes répétitives avec des périodes de quelques heures sont aussi associées à une inflation préliminaire de l’édifice et de la sismicité. Ainsi, les observations de cycles de déformation et de dégazage sont d’une importance cruciale pour prédire une éruption.
Cependant, l’origine de ce comportement périodique reste floue. Si les changements abrupts du taux d’éruption sont bien expliqués par le fait qu’un bouchon de magma dense et rigide obstrue le haut du conduit volcanique, puis glisse sur les parois du conduit, lors de sa mise sous pression, l’origine de cette mise sous pression périodique reste inconnue.
La lave qui pénètre dans le conduit et débute son ascension est un mélange de magma et de gaz. C’est sur la physique de ce problème très particulier d’écoulement à deux phases (magma et gaz) que se sont penchés les auteurs de l’article. Par décompression et du fait de sa faible densité, le gaz a tendance à se détendre, se séparer du magma et remonter plus vite que celui-ci dans le conduit. Le gaz, plus léger que le magma, s'élève plus vite. C’est en somme ce qui se passe en ouvrant une bouteille de champagne.
Mais pour laisser passer le gaz, le magma se déforme et se compacte. Ce faisant, il le comprime. S’instaure alors une compétition entre compression du gaz par compaction du magma et expansion du gaz contenu dans le magma par ascension-décompression au sein du conduit.
Les auteurs montrent que cette compétition produit un comportement périodique. Il se créée des zones compactées, peu riches en gaz, alternant avec des zones riches en gaz sur une longueur bien spécifique qui donne au phénomène un caractère ondulatoire. C’est pourquoi les auteurs appellent "onde de gaz" cette alternance entre zones riches en gaz et zones peu riches en gaz qui remonte dans le conduit et se manifeste en surface par des explosions périodiques. En effet, si la longueur entre deux zones riches en gaz, i.e. la longueur d’onde, est trop courte, la compaction du magma prédomine et comprime le gaz ; les longueurs d’onde courtes sont donc atténuées et disparaissent au cours de l’ascension. Si la longueur d’onde est assez grande, l’expansion du gaz peut se produire et l’onde croît en amplitude (c’est-à-dire que la teneur en gaz de la zone riche en gaz augmente) au cours de son ascension. Cependant, pour des ondes de très grandes longueurs d’onde, le volume du pulse de gaz est très étalé, et le gaz peut s'échapper facilement entraînant une diminution de la teneur en gaz. Ainsi, la longueur de l’onde de gaz doit être juste de la bonne taille (de 100 à 2000m) pour survivre et croître au cours de son ascension dans le conduit.
Ces ondes de gaz magmatique se propagent avec une vitesse très proche de la vitesse d'ascension du magma et causeraient, à la surface, un comportement cyclique, avec éruption et déformation périodiques caractérisées par une période de quelques heures à quelques jours. Par ce modèle les auteurs montrent que la cyclicité des volcans siliceux provient de la période de ces ondes, qui dépend modérément de la viscosité du magma et ne dépend pas des conditions de surface (existence et épaisseur d'un bouchon) ou de la structure du conduit, contrairement à ce qui était admis. Ce qui explique que la cyclicité effectivement observée à des volcans différents comme Montserrat, Mont Pinatubo ou Sakurajima, soit caractérisée par une périodicité comparable et dont les variations dans le temps sont faibles et décorrélées, par exemple, des effondrements de dômes et autres changements parfois spectaculaires dans la structure d'un volcan.
Enfin, ce modèle impliquerait que des changements dans la périodicité observée à la surface vers des périodes plus longues sans variation du taux éruptif indiqueraient un magma plus visqueux et donc un risque volcanique accru.
Source(s): Eruption cyclicity at silicic volcanoes potentially caused by magmatic gas waves, Chloé Michaut, Yanick Ricard, David Bercovici and R. Steve J. Sparks, 2013.
Fichier joint (628 ko)Contact:
Chloé MICHAUT, IPGP (CNRS, Paris Diderot, PRES Sorbonne Paris Cité)
[email protected], 01.57.27.53.06
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