Origine et évolution de l'atmosphère terrestre
Manuel Moreira, PhD - Laboratoire de Géochimie et Cosmochimie
Une atmosphère unique dans le système solaire
L'atmosphère terrestre est unique parmi les atmosphères des autres planètes du système solaire.
Elle est riche en azote (78 %) et oxygène (21 %) et pauvre en CO2 (0.03 %), contrairement aux atmosphères de Venus et Mars, qui contiennent respectivement 97 % et 95 % de CO2.
Nous pourrions supposer que la Terre a acquis son atmosphère pendant sa formation àpartir des gaz présents dans la nébuleuse solaire. Une telle atmosphère serait alors primaire, et contiendrait des gaz de composition cosmique, c'est-à-dire similaire aux abondances chimiques du système solaire.
Or, les gaz dominants dans le système solaire sont l'hydrogène et l'hélium. Ces gaz légers sont pratiquement absents dans notre atmosphère, car la gravitation terrestre est trop faible pour les retenir. Les planètes géantes comme Jupiter ou Saturne ont conservé ces gaz primordiaux dans leur atmosphère, au contraire des planètes internes du système solaire Venus, Terre et Mars qui ont des atmosphères de composition bien différente. Si la Terre a eu une telle atmosphère primaire pendant sa formation, elle l'a perdu rapidement. L'atmosphère actuelle doit donc être secondaire.
Les gaz rares
L'atmosphère terrestre contient également de nombreux constituants mineurs, les gaz rares, comme le xénon, l'hélium ou l'argon. Ces gaz sont piégés dans les basaltes océaniques des dorsales qui sont formés dans les éruptions volcaniques sous marines au niveau des dorsales et ramènent ainsi du matériau du manteau profond. La Terre s'est formée par accrétion, il y a 4,55 milliards d'années. Malgré leur très faible concentration, les géochimistes peuvent analyser ces gaz rares, ainsi que leurs isotopes, grâce à des spectromètres de masse (figure 1). Ainsi peut-on retracer les différentes étapes de la formation de l'atmosphère terrestre depuis son origine.
Le dégazage précoce de l'atmosphère primaire
Intéressons nous tout d'abord au xénon et à un de ses isotopes : le 129Xe. Cet isotope est produit par la désintégration radioactive de l'iode-129 contenu dans les supernova qui ont contribué à la formation de la planète Terre. La demi-vie de l'iode-129 est de 17 millions d'années. Ceci implique que l'iode-129 a complètement disparu 200 millions d'années après sa formation dans les supernova. Les analyses des isotopes du xénon dans les basaltes de dorsale montrent des excès significatifs de 129Xe par rapport à la composition isotopique de l'atmosphère. Si l'atmosphère s'est formée tardivement par un dégazage continu, on pourrait attendre un rapport isotopique 129Xe/130Xe similaire (le 130Xe étant stable et non radiogénique) dans le manteau et l'atmosphère. Or, les rapports élevés de 129Xe/130Xe observés dans le manteau indiquent qu'une partie importante de son dégazage a due être achevée avant la disparition de l'iode-129 il y a 4,4 milliards d'années, soit environ 160 millions d'années après la formation du système solaire.
Le dégazage actuel du manteau terrestre
Considérons maintenant le traceur hélium. L'atmosphère contient une très faible quantité d'hélium (~5 ppm). Le temps de résidence de l'hélium dans l'atmosphère est très court, de l'ordre du million d'années, ce qui montre que l'hélium de l'tmosphère actuelle ne peut donc être d'origine primaire.
En ce qui concerne l'isotope primordial de l'hélium, le 3He, sa concentration est encore 700000 fois plus faible. En analysant cet isotope rare dans l'eau de mer se situant au-dessus de la dorsale pacifique (figure 3), on observe un excès d'3He. Cet excès ne peut provenir que du dégazage des magmas lors de la formation de la croûte océanique. Ceci indique que le manteau se dégaze toujours à l'heure actuelle.
Un dégazage continu
Examinons maintenant le gaz rare l'argon, dont la concentration dans l'air est de 1 %. Parmi les trois isotopes stables de l'argon (36Ar, 38Ar et 40Ar), le 40Ar représente 99,6 %. Cet isotope est produit par la désintégration radioactive du 40K, qui se trouve dans la croûte continentale et le manteau de la Terre. L'argon est trop lourd pour s'échapper de l'atmosphère vers l'espace. En conséquence, l'argon présent dans l'air est le résultat d'une accumulation du lent dégazage de notre planète pendant 4,5 milliards d'années. La demi-vie du 40K étant de 1,25 milliards d'années, cela implique qu'une partie de ce dégazage s'est passée relativement tard pendant l'évolution de la Terre.
Conclusion
L'analyse des gaz rares dans les basaltes océaniques ont permis de comprendre comment l'atmosphère de la Terre s'est formée. On peut montrer qu'elle est d'origine secondaire, issue du dégazage du manteau. Deux phases sont en jeu pour expliquer ce dégazage. La première est un dégazage massif durant les 150 millions d'années suivant l'accrétion de la Terre, suivie par un dégazage continu, moins soutenu, que l'on observe encore actuellement.
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Editeur : G. Brandeis
Institut de Physique du Globe de Paris - Mise à jour 11/2024
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