Histoire de la science des tremblements de terre
encore appelée "sismologie" au sens original du terme
et non " science de la propagation des ondes sismiques dans la Terre "
Jean-Paul Poirier, Professeur - Laboratoire de Géomatériaux
Tremblements de Terre et Divinités
Les tremblements de terre sont des événements effrayants et imprévisibles, qui ébranlent la plus ferme des certitudes : la terre représentant la permanence et la stabilité, le plancher des vaches ne peut bouger.
De nombreuses régions du globe sont sujettes aux tremblements de terre (voir l'image 5 dans le message des ondes sismiques), et les traditions et chroniques de celles qui furent le berceau des anciennes civilisations portent témoignage d'innombrables catastrophes. Les séismes sont intimement liés à l'histoire de l'humanité et à son devenir, on conçoit qu’ils aient été attribués à des divinités.
Dans la Bible, ce sont souvent des tremblements de terre de théophanie où Dieu se manifeste dans toute sa puissance. Le plus ancien fragment de langage préservé dans la Bible serait le Cantique de Deborah (Juges, V, la Bible), où l'on trouve cette mention d’un tremblement de terre de théophanie:
"Seigneur, quand tu sortis de Seïr, quand tu partis de la steppe d'Edom, la terre trembla, les cieux ont déversé, les nuées ont déversé de l'eau, les montagnes s'affaissèrent devant le Seigneur" (Juges V,4. La Bible).
L'Evangile selon Saint Mathieu rapporte que la terre trembla au moment de la mort du Christ. Dans le Coran, on trouve également l'affirmation de cette puissance du Seigneur.
Les philosophes de l'Antiquité
Chez les Grecs, c’était l’œuvre de Poséidon (qu'Homère appelait Ennosigaios) (figure 1), qui n’était pas seulement un dieu marin, mais aussi terrestre, les tremblements de terre en Grèce étant souvent associés à des tsunami.
Même des tremblements de terre réels, historiques, furent attribués au courroux de ce dieu. Ainsi, par exemple, Thucydide rapporte, après le grand tremblement de terre de Sparte, en 464 avJC, dans La Guerre du Péloponnèse que:
"Les Lacédémoniens avaient autrefois fait quitter le temple de Poséidon à des hilotes installés en suppliants et, les ayant emmenés, les avaient tués; c'est à quoi ils attribuent eux-mêmes le grand tremblement de terre".
Pausanias raconte une histoire semblable à propos du violent tremblement de terre qui causa l'effondrement et la submersion des villes de Héliké et de Boura sur la rive méridionale du golfe de Corinthe, en 373 av. JC :
"Mais, par la suite, le courroux de Poséidon ne tarda pas à éclater contre les Achéens de la région qui avaient écartés des suppliants du sanctuaire, puis les avaient tués: un tremblement de terre ébranla leur pays et fit disparaître, sans laisser de traces pour les générations à venir, l'ensemble des bâtiments et, en même temps, les fondations mêmes de la cité Héliké."
Pour les Romains, très superstitieux, les tremblements de terre étaient des prodiges, qui manifestaient la rupture du pacte entre les hommes et les dieux (pax deorum) (au même titre que la naissance de moutons à cinq pattes, ou la chute de la foudre sur un temple).
"C'est pourquoi les anciens Romains, si scrupuleux dans l'observation de leurs devoirs, surtout de ceux qui concernaient la religion, si attentifs à honorer les dieux, ne manquaient pas, toutes les fois qu'ils avaient été témoins ou qu'ils avaient entendu parler d'un tremblement de terre, de prescrire, par un édit, des cérémonies publiques ; mais contre la coutume, ils omettaient de nommer le dieu en l'honneur duquel les cérémonies devaient être célébrées, parce qu'ils auraient pu prendre une divinité pour une autre, et qu'ils craignaient d'imposer au peuple un culte fondé sur une erreur. Si l'on avait manqué aux devoirs religieux de cette solennité, on était obligé de faire un sacrifice expiatoire; et, ainsi que Varron nous l'apprend, le décret des pontifes qui prescrivait le sacrifice portait qu'il serait offert au dieu ou à la déesse, parce qu'on ne savait pas quelle puissance ébranlait la terre, et de quel sexe était la divinité qu'on devait honorer. " (Aulu-Gelle)
On imagine, vu la multitude des prodiges possibles et le caractère superstitieux des anciens Romains, qu'ils devaient passer leur temps en cérémonies d’expiation. C’est effectivement ce que raconte Tite-Live (60 av. J.C., 10 av. J.C.) :
En 193 av. J.C. " On annonçait des tremblements de terre si fréquents que tout le monde était fatigué non seulement de ces nouvelles, mais aussi des féries qu'elles donnaient lieu de prescrire: car on ne pouvait plus ni réunir le Sénat, ni gouverner la République, les consuls n'étant occupés que de sacrifices et d'expiations. [...] sur l'avis du Sénat, les consuls interdirent d'annoncer un autre tremblement de terre le jour où des féries avaient été prescrites sur l'annonce d'un premier tremblement de terre "
Saint Philastre, évêque de Brescia, en 383, non content de voir les tremblements de Terre comme un acte de Dieu, partait en guerre contre ceux qui pensaient qu'ils avaient une origine naturelle. Dans son livre des hérésies, il en a recensé 156, la 102ème consistant à croire que les tremblements de terre avaient une origine naturelle.
Et, jusqu’au XVIIIe siècle, beaucoup pensèrent que c’était un châtiment de Dieu. Ainsi le jésuite Gabriel Malagrida se répandit en imprécations contre les impies qui prétendaient que le séisme était un phénomène naturel, après le grand séisme de Lisbonne en 1755 qui détruisit la ville la ville de fond en comble et fit plus de 70 000 victimes.
A l'autre bout du monde civilisé, les Chinois ne voyaient pas les choses sous un jour bien différent. Ainsi tenaient-ils la subversion de l'ordre naturel que représente un tremblement de terre pour un signe que l'Empereur avait perdu le mandat du Ciel. Et de nos jours encore, il serait bien difficile de persuader l'homme de la rue, que le séisme de Tangshan, environ 200 km à l'Est de Pékin qui provoqua la mort, suivant certaines estimations, de plus de 650 000 personnes le 27 et 28 juillet 1976, n'avait rien à voir avec la fin du Grand Timonier Mao Zedong qui advint 6 semaines plus tard.
Les différentes théories à travers les âges
Déjà, dans l'Antiquité, on trouvait des esprits rebelles aux explications surnaturelles. Les philosophes grecs ont ainsi établi les premières "théories".
La théorie pneumatique " pneuma "
Aristote (384 av. J.C. , 322 av. J.C. ) (figure 2) pensait qu’il y avait un lien entre les vents et les tremblements de terre. Dans ses Météorologiques, il traite des séismes après les vents, parce que, dit-il, leur cause est du même genre. Il existe des exhalaisons de deux espèces : une humide, dite vapeur et une sèche [...]
Sous le nom de pneuma, l’exhalaison sèche constitue un élément commun aux tremblements de terre et aux vents. En fait, la terre produit une grande quantité de pneuma, soit par son feu intérieur, soit à l’extérieur, quand elle est chauffée par le soleil. Parfois, le pneuma sort intégralement et donne naissance aux vents ; parfois, il se dirige vers l’intérieur de la terre, où il s’accumule et provoque les tremblements de terre, parfois encore, il se partage entre la surface et l’intérieur et peut produire de petites secousses telluriques.
Cette théorie fut reprise par Lucrèce, Sénèque, Pline, etc. et également tous les encyclopédistes du moyen-âge (Isidore de Séville, Bède le Vénérable...) et régna sans partage pendant des siècles.
Les théories chinoises n'étaient pas essentiellement différentes. Les chroniques historiques (Shi Ji) vers 90 av JC, expliquent que les tremblements de terre sont dus au renversement du qi, du Ciel et de la Terre et à l'emprisonnement du qi. Le grand spécialiste de la science chinoise Joseph Needham, trace un parallèle étroit entre la difficulté que le pneuma éprouve à sortir et l’emprisonnement du qì. Notons que les dictionnaires traduisent qi par : air, esprit, fluides, souffle , souffle vital, etc... c’est à dire par pneuma.
Variante de la théorie pneumatique : La vapeur d’eau
"Nous voyons l'eau bouillonner sur le feu. Ce que nos foyers produisent sur ce peu de liquide dans une étroite chaudière, ne doutons pas que le vaste et ardent foyer souterrain ne le produise avec plus de force sur de grandes masses d'eaux. Alors la vapeur de ces eaux bouillonnantes secoue vivement tout ce qu'elle frappe. " (Sénèque QN VI, 11)
C’est exactement dans cet esprit que l'architecte Anthémios de Tralles, procéda, au VIème siècle ap. J.C., pour effrayer son voisin en provoquant un tremblement de terre artificiel. Anthémios était un architecte et ingénieur de grand talent qui avait été chargé par Justinien Ier de reconstruire la basilique de Sainte Sophie, à Constantinople (vers 532).
En 1888 encore, l'éminent minéralogiste Daubrée défendait une théorie qu'Aristote n'aurait pas reniée:
"Dans les profondeurs des régions disloquées, nous trouvons [...] des cavités, de l'eau et une haute température, et, par suite, un agent capable à un moment donné de produire des effets dynamiques des plus considérables [...] En résumé, les tremblements de terre des régions dépourvues de volcans paraissent dus aux effets d'une sorte d'éruption volcanique qui ne peut aboutir jusqu'à la surface et semblent dépendre, aussi bien que ceux des régions volcaniques, d'une cause unique: la vapeur d'eau animée de la puissance énorme qu'elle acquiert dans les profondeurs de la croûte terrestre."
Autre variante : Les embrasements et explosions internes
Vers l’époque de la Renaissance, la théorie aristotélicienne devait connaître un avatar qui ne changeait toutefois pas sa nature profonde. Les séismes étaient toujours dus à des tempêtes souterraines, mais c’étaient alors les gaz provenant de l’inflammation de matières combustibles dans des cavernes (soufre, bitume, salpêtre, etc.), qui étaient à l'origine d'explosions dont le souffle faisait trembler la terre, comme les mines utilisées pour attaquer des fortifications. C'était le point de vue de Jérôme Cardan (1501-1576). Il fut repris par le philosophe épicurien et chanoine de Digne, Pierre Gassendi (1592-1655), qui raisonne logiquement :
" [...] celle qui rapporte la cause du Tremblement de Terre à l’Air simple, ou au Vent simple ne semble aucunement probable. Car ou ces cavernes sont bien bouchées, ou elles ont quelque ouverture ; si elles sont bien bouchées, l’Air, ou le Vent n’y pourra pas entrer de dehors; et s’il y a quelque embouchure, il n’y entrera pas davantage qu’il feroit dans une chambre qui n’auroit qu’une seule fenestre ouverte. D’ailleurs quelle apparence y a-t-il que de l’Air, ou du Vent souterrain renfermé dans ces cavernes puisse en roulant et en choquant, et rechoquant contre ce qui luy fait obstacle, ebranler de si grandes masses de terres, et de montagnes; veu que les cavernes estant pleines, ou il ne se fera aucun choc, ou l’effort ne sera pas plus violent que celuy des Vents de dehors?
"Ainsi, il semble bien plus probable, que souvent les Tremblemens de Terre doivent arriver par l’inflammation soudaine de quelque exhalaison sulfureuse et bitumineuse, laquelle par le mouvement expansif et dilatatif du Nitre, entremeslé prenne feu dans les Grottes souterraines qui ne sont pas fort éloignées de la surface de la Terre [...]."
Buffon (1707-1788) (figure 3) reprend les mêmes arguments, et, en 1756, Kant (figure 4), dans une monographie consacrée au grand séisme de Lisbonne de 1755, écrit :
" Les tremblements de terre nous révèlent que, vers la surface, la terre est creusée de cavernes, et que, sous nos pieds, des galeries de mine secrètes courent de toutes parts en de multiples dédales. Ceci sera sans aucun doute établi par les progrès dans l'histoire des tremblements de terre. [...]Les cavités contiennent toutes un feu ardent, ou du moins une matière combustible qui n'a besoin que d'une légère stimulation pour faire rage avec furie alentour et ébranler ou même fendre le sol au dessus."
Cette variante de la théorie d’Aristote présente l’avantage que l’on pouvait alors expliquer par la même cause tremblements de terre et volcans, qui ont été associés jusqu’au début du XXe siècle. Les volcans seraient des évents par lesquels les vapeurs enflammées trouvent issue, et qui joueraient le rôle de soupapes de sûreté.
L’association entre tremblements de terre et volcans dura jusqu’au XXe siècle. (Les Volcans et les Tremblements de terre, A. Boscowitz)
Le grand séisme du 18 avril 1906 à San Francisco, avait été précédé le 7 avril par une éruption meurtrière du Vésuve. Le professeur Matteucci, directeur de l’ observatoire du Vésuve,écrivit:
"En dépit de la distance qui sépare le Vésuve de la Californie et malgré le manque de coïncidence exacte entre l’éruption du volcan et le tremblement de terre à San Francisco, je crois qu’il existe une relation étroite entre les phénomènes, que je considère comme des effets différents d’une cause commune. " (The history of the San Francisco disaster and Mount Vesuvius horror, C. E. Banks & O. Read,1906).
L’électricité
Au XVIIIe siècle, l'électricité devint à la mode et concurrença même pendant un moment les embrasements souterrains comme cause des séismes.
En 1779, l'abbé Bertholon publia un Mémoire sur un Para-tremblement de terre, et un Para-volcan, dans lequel il prétendait démontrer que les tremblements de terre sont des phénomènes électriques. Son raisonnement ne manquait pas de logique:
"Les tremblements de terre ne sont donc que des tonnerres souterreins, comme Pline l'a anciennement reconnu, et puisqu'il est démontré que le tonnerre est un effet d'électricité, on ne peut s'empêcher de reconnoître que la cause des tremblements de terre n'est autre chose que la matière électrique. Si le fluide électrique est surabondant, ce qui peut arriver par mille causes, il cherche, suivant les lois de l'équilibre propre à tous les fluides, à se porter vers l'endroit où il y en a moins; il s'échappera donc quelquefois du globe de la terre dans l'atmosphère. Si ce rétablissement de l'équilibre peut se faire facilement, c'est un simple tonnerre ascendant; si des obstacles considérables et multipliés s'y opposent, c'est un tremblement de terre dont la force et l'étendue sont proportionnées à la grandeur du défaut d'équilibre, et à la profondeur du foyer, et aux obstacles qu'il y a à vaincre.
Si ce foyer électrique est abondant et assez profond, et qu'il puisse se former une issue, on aura un Volcan par où se feront successivement des éruptions plus ou moins fréquentes qui, dans la réalité, ne sont que des répulsions électriques des matières contenues dans le sein de la terre."
La solution s'imposait donc: "Pour soutirer le plus loin qu'on pourra la matière fulminante de la terre, il faut enfoncer dans la terre, le plus avant qu'il sera possible, de très grandes verges de fer dont les deux extrémités, celle qui est cachée et celle qui se trouve au dessus de la superficie, seront armées de plusieurs verticilles ou pointes divergentes très aiguës.[...] Si l'on convient du pouvoir des pointes électriques pour préserver de la foudre, ce qui est actuellement un dogme de physique, on ne peut nier, sans inconséquence, celui du nouveau préservateur des tremblements de terre."
Les théories électriques n’eurent qu’un temps, mais l’essentiel de la théorie pneumatique, qui "sauvait les apparences", perdura pendant vingt-trois siècles, jusqu’à l’aube du XXe siècle. Comme le remarquait Montessus de Ballore (1851-1923) : "Ainsi, l'influence d'Aristote a peut-être plus duré en séismologie que dans toute autre branche du savoir humain. "
Une des conséquences de la théorie pneumatique était la croyance, véhiculée par tous les écrivains depuis Pline, que le remède le plus efficace contre les tremblements de terre étaient les puits qui permettaient aux gaz de s’évacuer sans faire de dégâts. Au XVIIIe siècle, de nombreux traités préconisent encore les puits.
La croyance en la vertu des puits eut un succès durable. Elle a peut-être même encore de beaux jours devant elle, comme le montre la lettre que j’ai reçue, en 1997, du directeur d'un bureau d'études de génie civil. Arguant de sa longue expérience, cet ingénieur assurait : "Il est erroné de croire que le renforcement des structures permet de résister aux séismes. Le seul moyen de protéger les habitations existantes consiste à supprimer la pression due aux gaz dans le sol par des puits de décompression, enlevant tout effet sismique."
La Tectonique
Robert Mallet (1810-1881) fut un précurseur. C’est lui qui inventa le mot seismology. Ingénieur et géologue irlandais qui construisit divers ouvrages de travaux publics (phare, ponts, etc...) Passionné par les études menées en géologie par Sir Charles Lyell (1797-1875), il s’intéressa aux tremblements de terre et fit des expériences sur la propagation des ondes dans les sols différents (explosions de dynamite, bains de mercure). Il mesura sans doute les ondes de surface, mais il pensait qu’il y avait seulement des ondes longitudinales (P). Il détermina les premiers épicentres et en 1846, il publia un traité " Dynamics of Earthquakes " .
Il alla sur le terrain à Naples après le grand séisme de la Basilicate en 1857. Il publia son étude dans un gros ouvrage" The great Neapolitan earthquake of 1857, the first principles of observational seismology ". Il catalogua les séismes et construisit la premiere carte sismique du monde.
La naissance et les progrès rapides de la sismologie en tant que science des tremblements de terre, vers la fin du XIXe et au début du XXe siècle, après des siècles de stagnation, ne sont sans doute pas totalement indépendants du mouvement d'opinion suscité par une séquence (évidemment due au hasard) de séismes ravageurs dans des pays européens (Andalousie, 1884 ; Diano-Marina, Italie,1887, Calabre 1905, Messine, 1908, et aussi au Japon (Mino-Owari, 1891) et en Amérique (San Francisco, 1906). Le télégraphe et la presse y étaient aussi pour quelque chose. A propos du séisme de 1887 sur la Côte d'Azur, voir Alphonse Allais "le chambardoscope" (1891).
C'est alors que s'imposa la théorie actuelle qui n'a jamais pu être prise en défaut depuis lors : les séismes sont, en grande majorité, d'origine tectonique, c'est-à-dire dus aux efforts mécaniques dans la croûte terrestre qui se relâchent finalement par rupture d'une zone fragile, en général sur une faille qui avait déjà joué auparavant.
On doit attribuer la première vérification de cette idée, au géologue japonais Koto. L'étude des effets sur le terrain du grand séisme de Mino-Owari (28 octobre 1891) l'amena à écrire:
"On peut affirmer avec confiance que la formation soudaine de la grande faille de Neo fut la cause réelle du grand tremblement de terre".
Le séisme de Mino-Owari est généralement regardé comme ayant marqué le début de la sismologie moderne.
Dans son livre, intitulé " Seismology " (1898) John Milne s’appuie sur les observations de Koto, pour justifier son idée que les tremblements de terre sont le résultat de la brutale rupture de la croûte sous l’influence de la flexion. Il voit plutôt les failles comme résultat que comme cause des séismes. Il note que dans les régions circumpacifiques, la rupture semble plus fréquente dans la région de flexion maximale.
Le premier modèle mécanique des séismes (rebond élastique) fut proposé, peu après, par l'Américain Reid, à la suite de son étude du tremblement de terre de San Francisco (18 avril 1906).
Les Premiers sismologues
Dès la fin du XIXème siècle, les géologues étudièrent les séismes et recherchèrent une explication basée sur les observations naturelles.
John Milne (1850-1913), géologue et ingénieur anglais des mines, avait accepté un poste de professeur à l’Université de Tokyo à l’âge de 25 ans. Il y fonda la première société sismologique du monde (Seismological Society of Japan) et inventa un nouveau sismographe très sensible. En 1895, son laboratoire, son observatoire et sa maison furent totalement détruits par un incendie. Découragé, il rentra en Angleterre et s’établit dans l’île de Wight, où il fonda un observatoire, centre névralgique d’un réseau de 20 observatoires sismologiques de par le monde, financé par la Royal Society.
En France et au Chili, Fernand Bernard, comte de Montessus de Ballore (1851-1923), polytechnicien, (figure 5) fut l'auteur de Les tremblements de terre, géographie séismologique (1906), La science séismologique (1907), L'ethnographie sismique et volcanique (1923), La géologie sismologique (1924). En 1907, il fut appelé par le gouvernement chilien au poste de directeur des services sismologiques du Chili et fonda l'Observatoire sismologique de Santiago, qu'il dirigea jusqu'à sa mort.
Dans sa Géographie séismologique, il recense tous les tremblements de terre mondiaux, qu’il replace dans leur contexte géologique, mais il ne met pas spécifiquement l’accent sur les failles :
" Les tremblements de terre sont en intime liaison avec les principales vicissitudes géologiques, surrection des chaînes de montagne et creusement des océans. Il est beaucoup plus malaisé de déterminer l'influence séismogénique locale, ou régionale, des principaux accidents tectoniques, plissements, effondrements, failles, etc. "
" Les zones renfermant les régions séismiques coïncident exactement avec les géosynclinaux de l'époque secondaire. "
Richard Dixon Oldham (1858-1936), diplômé de la Royal School of Mines, entra au Geological Survey of India en 1879. Lors du tremblement de terre de l’Assam (12 VI 1897), il identifia les deux phases d’ondes de volumes (P,S)et une phase d’ondes de surface (L). En 1906, il déduisit l’existence d’un noyau (qu’il mit à 3871 km de profondeur) en remarquant que les ondes détectées à 150° de l’épicentre subissaient un retard notable.
Conclusion
La seismologie a donc une très longue histoire qui remonte sur deux millénaires. Si la sismologie moderne permet de mieux comprendre les causes des tremblements de terre, elle ne peut toujours pas les prévoir précisément d'une manière fiable. En attendant une meilleure précision, il faut aider les populations vivant dans des zones sismiques à se protéger. Il s'agit avant tout de reconnaître, étudier et évaluer le potentiel sismique des structures qui produisent les séismes, c'est à dire les failles actives. Quoiqu'il en soit, même dans les pays les mieux préparés, il est impossible de parer à toutes les éventualités, en particulier si un fort séisme frappe une grande ville.
Faut-il alors écouter l'invitation du stoicien Sénèque : " Fortifions notre courage contre une catastrophe qui ne peut être ni évitée, ni prévenue ?"
Texte écrit d'après les notes de la conférence donnée à l'IPGP le 26 Février 2003 pour l'Ecole Doctorale, Histoire des Géosciences.
Pour en savoir plus :
La Terre, mère ou marâtre ? Jean-Paul Poirier, Flammarion, 1998
Qu'est-ce qui fait trembler la Terre ? A l'origine des catastrophes sismiques. Pascal Bernard, éd. EDP Sciences, 2003
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Editeur : G. Brandeis. - Page réalisée en Avril 2003
Institut de Physique du Globe de Paris - Mise à jour 11/2024
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