Le Lac de Lave

Geneviève Brandeis, PhD, Laboratoire de Dynamique des Systèmes Géologiques

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Il arrive que, pendant certaines éruptions volcaniques basaltiques, la lave émise s'accumule dans le cratère ou, en s'épanchant hors du cratère, remplisse des petites dépressions existantes à la surface. Le magma reste ainsi piégé et se refroidit lentement en cristallisant progressivement. Ces lacs de lave peuvent être considérés comme des chambres magmatiques de petite dimension.

Lac de lave du Kilauea Iki formé en 1959 (photo B.D. Marsh). Les nuages sont de la vapeur d'eau créée par la chaleur se dégageant du lac

Les éruptions formant des lacs de lave sont plutôt exceptionnelles. Un exemple spectaculaire est celui du lac de lave du Kilauea Iki, formé en 1959 pendant l'éruption du Kilauea, à Hawaii, aux Etats-Unis. Ce lac a une épaisseur de 120m sur une longueur de 2 kilomètres et 1 kilomètre de largeur à son maximum.

Le magma était initialement à une température de 1200°C. Au contact de l'air, le magma à la surface s'est refroidi instantanément à une température de l'ordre de 20°C, formant ainsi une bordure sans cristaux, appelée bordure vitreuse ou figée, l'intérieur étant resté à la température de1200°C.

Une croûte se forme ainsi à la surface et s'épaissit progressivement vers l'intérieur. Cette croûte n'était pas stable initialement à cause des mouvements intenses de convection et des gaz piégés dans le lac. Après un temps initial de dégazage de quelques mois et plusieurs déstabilisations, la croûte s'est stabilisée définitivement et l'on a ainsi pu marcher en toute sécurité sur la surface

Croûte de lave solide formée à la surface du lac. Son épaisseur a crû pendant plus de 30 ans (photo G. Brandeis).

Ce lac de lave a été très étudié par l'USGS puisqu'il a été considéré comme un "laboratoire" pour l'étude de la cristallisation du magma dans des conditions naturelles.

Une série de forages à travers la croûte supérieure solide a été entreprise pour suivre l'évolution au cours du temps de la composition chimique, et donc de la différenciation. Les forages ont montré l'existence d'une zone partiellement cristallisée, comprise entre une croûte entièrement cristallisée, donc solide, et le magma entièrement liquide. Les forages ont également permis de suivre l'évolution de la température. Les premiers forages ont été effectués dès 1960 mais il aura fallu plus de 30 ans pour que les forages puissent atteindre le socle sous-jacent du lac puisque le temps mis pour refroidir le lac est proportionnel au carré de son épaisseur.

Photo au microscope de cristaux d'olivine dans un échantillon \"gelé\" et situé juste en dessous de la base de la croûte solide lors du forage du Kilauea Iki en 1979. Les cristaux d'olivine sont ici regroupés et pris dans la masse qui comprend des petits cristaux de plagioclase, pyroxène, et olivine ainsi que du verre. La photo représente 3 mm de longueur en échelle réelle. (R. Helz,USGS, in Volcanism in Hawaii, USGS Prof paper 1350,1987)

Cette série de forages a fourni des données très précieuses pour la pétrologie magmatique. Combinée avec des expériences de pétrologie expérimentale en laboratoire, elle a permis de retracer l'histoire dynamique de la cristallisation et de la différenciation en mettant en évidence des mouvements de liquides et de cristaux à l'intérieur du lac.