Les Chambres Magmatiques
Geneviève Brandeis, PhD - Laboratoire de Dynamique des Fluides Géologiques
Des magmas sont émis à la surface de la Terre lors des éruptions volcaniques. Ce magma provient de la fusion partielle de roches du manteau. La fusion partielle est un processus très lent.
On ne peut expliquer :
- les grands volumes de laves émis en temps très court pendant une éruption
- la grande variété de la composition chimique des roches volcaniques par rapport à celles du manteau, de composition très homogène
que par l'existence d'une grande zone d'accumulation de magma sous la surface du volcan.
Cette zone est appelée chambre magmatique et est située dans l'édifice ou à quelques kilomètres de profondeur sous la surface.La chambre est reliée à la surface par le conduit volcanique, en général très étroit.
Dans cette chambre, le magma se refroidit et cristallise. Le magma n'étant pas un corps pur, mais un mélange à plusieurs composants, les cristaux n'ont pas la même composition que le liquide. Le liquide évolue au cours du refroidissement dans la chambre, produisant ainsi des laves de compositions très variées. Lors de la cristallisation, il y a production d'une phase solide (cristal) et d'une phase gazeuse.
Un réservoir magmatique "vu" par les sismologues
Le Kilauea, situé dans une île d'Hawaii, est l'un des volcans les mieux surveillés au monde. Un vaste réseau de surveillance sismologique a été implanté sur ce volcan depuis plus de trente ans. En compilant toutes les données sismiques, on a pu montrer l'existence d'un vaste réseau d'alimentation en filons ou dykes sous l'édifice sommital du Kilauea. Ce réservoir a une profondeur de plusieurs kilomètres.
Des chambres magmatiques étudiées "en direct" par les géologues
Il arrive que, pendant certaines éruptions volcaniques basaltiques, la lave émise s'accumule dans le cratère ou, en s'épanchant hors du cratère, remplisse des petites dépressions existantes à la surface. Le magma reste ainsi piégé et se refroidit lentement en cristallisant progressivement. Ces lacs de lave peuvent être considérés comme des chambres magmatiques de petite dimension.
Un exemple spectaculaire est celui du lac de lave du Kilauea Iki, formé en 1959 pendant l'éruption du Kilauea, à Hawaii, aux Etats-Unis. Son refroidissement s'est effectué sur 30 ans et a été suivi "en direct" par les géologues de l'USGS qui l'avaient considéré comme un "laboratoire" naturel pour l'étude des chambres magmatiques.
Des chambres magmatiques "vues" par les géologues
Des zones comportant de très grands ensembles de roches plutoniques ont été découvertes dans la croûte continentale à plusieurs endroits dans le monde. Elles représentent des intrusions ou réservoirs magmatiques, mis à jour à la surface après érosion. On les appelle des chambres magmatiques fossiles. La reconstitution géologique montre que ces réservoirs sont de très grandes dimensions et qu'ils peuvent atteindre jusqu'à la dizaine de kilomètres en hauteur sur plusieurs dizaines de kilomètres en largeur pour les plus grandes d'entre elles. La durée de mise en place de ces intrusions est en général considérée comme faible par rapport au temps mis pour leur refroidissement.
Ces intrusions ont longtemps été un véritable puzzle pour les géologues car on y observe une grande variété de composition des roches, ainsi que beaucoup de structures litées, au milieu de roches plus homogènes.
Ces intrusions ont tout d'abord été étudiées pour leur importance économique. En effet, c'est dans certaines de ces chambres comme celle du Bushweld en Afrique du Sud, ou du Stillwater, aux Etats-Unis que l'on trouve les plus grands gisements mondiaux de platine, nickel ou encore de cuivre.
La variation de composition des roches à l'échelle de la chambre est liée à la cristallisation fractionnée des magmas, les roches étant de plus en plus différenciées au fur et à mesure que l'on s'élève dans l'intrusion.
Ces structures litées sont des marqueurs des processus ayant eu lieu pendant la très longue histoire de leur refroidissement (plusieurs dizaines de milliers d'années pour une intrusion kilométrique).
Il n'y a pas une explication unique pour leur origine, et de nombreux mécanismes ont été proposés. La plupart font intervenir des mécanismes dynamiques de transport de cristaux et de liquides résiduels. La convection thermique ainsi que la convection solutale (liée aux différences de densité créées par les compositions différentes) sont développées dans ces chambres, permettant ainsi des transports de liquides ou de liquides partiellement cristallisés. Des mécanismes de compaction peuvent également avoir lieu dans les couches comprenant une grande proportion de cristaux et un faible pourcentage de liquide résiduel.
Le Skaeragaard, situé au Groenland, est une des intrusions les plus celèbres. Sa première étude est due à L. R. Wager en 1939. Elle est datée à 55 Millions d'années. Sa hauteur est voisine de 3000m et son volume a été estimé à 300 km3.
On y observe de nombreuses couches litées comme celles représentées sur cette photo.
Le litage, ou "layering" dans la littérature anglo-saxonne, observé sur cette photo est ici dû à des variations modales, c'est à dire que
la proportion des minéraux varie d'une couche à l'autre, mais les minéraux ont la même composition que ceux de la roche plus homogène qui l'entoure.
Ces structures litées peuvent être de très grande dimension latérale puisqu'elles peuvent faire plus de 100m de long pour une épaisseur de 10cm (figure ci contre).
Ces structures litées sont en général planes, car elles correspondent à des séquences de cristallisation à partir du bas "horizontal" de la chambre, mais elle peuvent être courbées comme sur la figure ci contre.
Les intrusions du Stillwater, état du Montana, aux Etats-Unis et celle du Rhum, en Ecosse, sont également très célèbres.
Celle du Rhum est d'âge tertiaire et a un hauteur exposée supérieure à 900 m.
Le Stillwater est daté de 2,7 Milliards d'années et a une hauteur exposée de 5600 m sur une largeur de 50 km. L'intrusion est d'une hauteur supérieure à 5600 m car le haut de la chambre n'est pas observé.
On repère le bas d'un cycle sur la photo ci-contre, par la présence d'une couche plus foncée. Cette couche est constituée principalement de roches très riches en olivine (péridotites) . Au dessus, il y a une couche constituée principalement de roches très riches en plagioclase, et qui est aussi plus altérée. On peut noter la répétition des cycles par la succession des couches plus foncées et moins altérées.
On observe également dans ces deux intrusions un litage à l'échelle du centimètre, soit quelques cristaux, puisque les cristaux sont de taille millimétrique. On l'appelle "inch-scale layering".
Institut de Physique du Globe de Paris - Mise à jour 11/2024
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