La géodynamo
Emmanuel Dormy, PhD, Labo de Géomagnétisme Interne
et Julien Aubert, PhD, Labo de Dynamique des Systèmes Géologiques
D’où viennent les champs magnétiques de la Terre, de cinq autres planètes du système solaire (Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune, Mercure), et du Soleil ?
En 1919, Sir Joseph Larmor proposa trois hypothèses pour expliquer le champ magnétique des taches solaires. Il nota en conclusion de son travail que l'une d'entre elles, que l'on appellera plus tard la théorie de la dynamo auto-excitée, permettrait également d'expliquer l'origine du champ magnétique terrestre, mais cela nécessiterait que l'intérieur de la Terre soit fluide.
Ce qui paraissait très improbable à l'époque, est aujourd'hui une certitude grâce à l'inversion des ondes sismiques traversant la Terre. On sait aujourd'hui que le noyau de la Terre (situé quelques 3000 Km sous nos pieds) est bien fluide pour sa plus grande partie. On sait également, grâce à la géochimie, qu'il est constitué principalement de fer. Le fer étant très bon conducteur de l'électricité, tous les éléments nécessaires pour la dynamo auto-excitée proposée par Larmor sont donc réunis dans les profondeurs de notre planète.
Si le noyau de la Terre est fluide, on sait aussi qu'en son centre, le fer cristallise pour former une graine solide (en gris sombre sur la figure) de plus d'un millier de kilomètres de rayon. Cette cristallisation libère des éléments légers ainsi que de la chaleur. Ces deux effets combinés entretiennent des mouvements de convection au coeur de notre planète. Ces mouvements sont soumis, comme l’atmosphère, à l’influence de la force de Coriolis. Ainsi, de gigantesques cyclones apparaissent dans le noyau externe (en bleu sur la figure). Dans un fluide conducteur, de tels mouvements ont la propriété d’amplifier un champ magnétique à partir d'un "bruit" initial. On peut comprendre ceci à l’aide du concept des lignes de champ magnétique. Ces lignes imaginaires sont en tout point parallèles à la direction qu’indique la boussole. Les mouvements de fluide tordent les lignes de champ magnétique, et les étirent à la manière d’élastiques (les lignes sont représentées en gris clair sur la figure). De même qu’un élastique étiré acquiert de l’énergie potentielle, des lignes de champ magnétique étirées acquièrent de l’énergie magnétique. Tel est le mécanisme de la géodynamo.
La dynamo de la Terre porte le même nom que la dynamo de bicyclette. Une dynamo de bicyclette est composé d’un aimant permanent qui est entraîné par la rotation de la roue de la bicyclette. Ainsi l’énergie cinétique est convertie en énergie électrique. Le champ magnétique variable qui en résulte induit du courant dans un bobinage de fil éléctrique. Ce qui rapproche les deux mécanismes à priori différents, c’est le phénomène de l’induction éléctromagnétique. La géodynamo ne fait pas appel à un aimant permanent (les températures extrêmes qui règnent au coeur de notre planète, de plusieurs milliers de degrés, feraient perdre à tout aimant ses propriétés magnétiques). C'est pour cette raison qu'elle est appelée "dynamo auto-excitée".
L’intérieur de la Terre n’est pas celui de Jupiter, et de Saturne ! Ces deux planètes gazeuses ont néanmoins en leur centre une couche d’hydrogène à l’état de métal fluide compressible, pour laquelle on peut formuler la même théorie dynamo que celle de la Terre. Uranus et Neptune sont, elles aussi, des planètes essentiellement gazeuses, mais cette fois on pense que c’est dans une couche de glace fluide ammoniaquée que la dynamo est produite. Pour le soleil, c’est dans un plasma (noyaux d’hélium séparés de leurs électrons) que la dynamo prend place. Autant de milieux différents les séparent, mais une cause commune rapproche les dynamos naturelles.
Le signal magnétique en provenance des planètes contient ainsi des renseignements sur leur structure, leur histoire, leur dynamique interne. Pour décrypter cette information, certains chercheurs réalisent des modèles numériques de la magnéto-hydrodynamique de l’intérieur de ces objets. D’autres l’étudient à partir de modèles réduits analogiques. Malgré tous ces efforts, les mécanismes fondamentaux à l'oeuvre dans ces objets restent encore très mal compris.
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Pour en savoir plus :
Editeur : G. Brandeis. Décembre 2005
Institut de Physique du Globe de Paris - Mise à jour 11/2024
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